Il est fréquent que des situations d’édentements compensés par des prothèses amovibles partielles (PAP) soient liées à des désordres de l’appareil manducateur. Bien souvent le praticien s’interroge sur le rôle pathogène de l’édentement dans ces désordres. La tentation est grande de supprimer les prothèses amovibles partielles dont on suppose une participation dans les DAMs pour lesquelles consulte le patient. Cette position peut conduire à proposer des orthèses orales qui remplacent, la nuit, les PAPs. Mais il existe aussi des situations où l’on peut envisager d’utiliser les PAPs comme orthèses. C’est en particulier le cas quand on cherche une action orthopédique de repositionnement articulaire ; mais aussi pour stabiliser et détendre la mandibule en ORC. Sans oublier que pour d’autres situations, l’orthèse sera proposée par dessus la prothèse amovible partielle.
Nous proposons ci dessous quelques critères de décisions quant à l’attitude vis à vis des PAPs dans la prise en charge des DAMs, sachant que ces réflexions sont valables aussi bien pour des orthèses maxillaires ou mandibulaires.
1- Déposer une PAP pour la remplacer par une orthèse: cette option concerne les diagnostics de DAMs musculaires pour lesquels une orthèse de stabilisation en ORC est indiquée.
– Si la PAP est responsable d’une prématurité et que celle-ci n’est pas rectifiable sans menacer l’existence de la prothèse (cas fréquents d’un bras de crochet cavalier ou d’appuis occlusaux),
– si la PAP blesse les tissus de soutien et si elle est instable,
– si l’édentement est trop important ; le bloc incisivo canin au moins doit permettre de stabiliser l’orthèse et d’assurer sa rétention,
alors, il vaut mieux déposer la PAP et réaliser une orthèse qui compense les édentements et permette une stabilisation en ORC. Selon les zones édentées, il pourra être utile ou non d’inclure des dents prothétiques à visée esthétique dans la réalisation de l’orthèse. L’orthèse doit être perçue par le patient comme plus confortable que sa prothèse.
2- Utiliser une PAP comme orthèse: cette option peut concerner des désordres musculaires.
– Si un défaut de centrage/calage/guidage est directement lié à la prothèse (souvent par usure sélective des dents prothétiques),
– si des édentements sont non compensés ou en sous-occlusion,
– s’il est possible par adjonction de résine sur les faces occlusales prothétiques de rétablir l’ORC,
– si la PAP est stable et ne blesse pas les tissus de soutien,
alors, on préférera rectifier et adapter la PAP pour valider ou infirmer l’hypothèse diagnostique du DAM.
Cette option peut aussi concerner les désordres articulaires, en particulier une luxation discale irréductible (LDI) récente et douloureuse.
– Si la PAP est stable et ne blesse pas,
– si elle permet par adjonction sélective de résine de créer une butée postérieure du coté de la LDI,
alors, on pourra utiliser la PAP comme moyen orthopédique ; sans oublier que la surocclusion créée peut conduire dans les jours suivant à une blessure légère de la surface d’appui en regard de la butée.
3-Placer une orthèse sur une PAP : cette option concerne exclusivement les DAMs musculaires.
– Si l’on veut éviter de remettre en cause une prothèse dont le patient est satisfait,
– si les zones édentées sont trop étendues ou mal réparties pour permettre une bonne stabilité de l’orthèse,
– si la PAP ne crée pas de désordres occlusaux rendant impossible le réglage d’une orthèse de stabilisation,
– si la DVR permet la mise en place d’une orthèse sur la PAP,
alors, la mise en place d’une orthèse par-dessus la prothèse amovible existante peut permettre de confirmer le diagnostic et de soulager le patient.
Orthèses et PAPs doivent être, autant que possible, exploités de conserve (même si certaines situations paraissent très complexes) pour établir les diagnostics des DAMs et soulager les patients. Merci de nous communiquer vos expériences en la matière.
6 commentaires
JLM44 a dit:
Jan 13, 2013
Les précautions dans ces cas de PAP est de ne pas laisser une édentation non « fermée »afin d’éviter une dysfonction linguale lors de la déglutition entrainant une dysfonction hyoïdienne qui aura pour effet de distaler et d’amplifier la DAM éventuellement(relations musculairesmanducatrices/musculaires cervicales/scapulaires…) et de faire l’orthèse à la mandibule qui sera moins encombrante qu’au maxillaire et qui entainerait,éventuellement par son volume,un abaissement lingual et toujours éventuellement,un effet de pincement au niveau de la suture inter-maxillaire autrement dit le raphé .Corriger le plan d’occlusion bien entendu s’il ne semble pas correspondre aux critères physio-prothétiques communéments admis.
Splintman a dit:
Jan 14, 2013
Merci à JLM44 de ces précisions importantes qui rappelent d’une part toute l’importance d’une vision glabale de nos dysfonctions, et d’autre part que nous devons rester prudents quant à nos affirmations cliniques. L’ostéopathie a ici beaucoup de choses à nous apprendre.
castor a dit:
Jan 15, 2013
Je suis bien d’accord avec vous, mais aussi..
Dans ces désordres de l’appareil manducateur, les condyles mandibulaires occupent une position trop haute et reculée que nous cherchons à modifier.
Souvent le plan d’occlusion présente une rotation postérieure. Dans ce cas, la dynamique de l’occlusion entraîne le recul mandibulaire, ce que nous cherchons justement à corriger. Il est donc nécessaire de modifier l’orientation du plan d’occlusion en l’approchant du plan de Camper. Pour cela la hauteur coronaire des molaires maxillaires doit être augmentée, donc dans ces cas, l’orthèse ne peut être que maxillaire.
Splintman a dit:
Jan 16, 2013
« Dans ces désordres de l’appareil manducateur, les condyles mandibulaires occupent une position trop haute et reculée que nous cherchons à modifier » dites vous Castor. je ne suis pas sûr de bien comprendre cette affirmation. Il existe je crois bien des DAM pour lesquels il n’y a pas de problème de position des condyles en tant que telle. Et puis il y a des désordres articulaires pour lesquels la position condylienne est liée au déplacement discal. Faut-il alors réfléchir en fonction de la position condylienne ou de la position discale ou des deux?
Par ailleurs vous parlez d’une rotation postérieure du plan d’occlusion. Voulez vous dire que dans le plan sagittal le plan d’occlusion s’élève dans la région postérieure? Considérez vous alors que cette situation doit être corrigée? Pourquoi?
castor a dit:
Jan 16, 2013
J’aurais dû écrire « dans certains désordres de l’appareil manducateur, les condyles mandibulaires occupent une position trop haute et reculée …. »
Lorsque dans ces cas où il existe une compression postérieure, nous décidons de placer une orthèse qui va s’interposer entre les arcades dentaires, il faut réfléchir à la position condylienne et à la position discale, et raisonner en statique et en dynamique.
Selon l’orientation du plan d’occlusion dans le plan sagittal, la dynamique des mouvements de mastication entraîne la mandibule vers une position plus postérieure ou plus antérieure.
C’est à dire, si le plan d’occlusion s’élève dans la région postérieure, les muscles masticateurs tendent à reculer la mandibule car la dimension verticale diminue avec le recul mandibulaire. Au contraire si le plan d’occlusion s’élève dans la région antérieure.
Ceci se vérifie dans l’établissement des décalages sagittaux, dans la correction ou la récidive en orthopédie en chirurgie ou en orthodontie et dans le vieillissement, quelque soit la typologie.
Pour en revenir à l’orthèse, il nous faut décider si nous devons soulager le patient mais le maintenir dans son fonctionnement, celui-là même qui a été un facteur important de la pathologie que nous observons, dans ce cas le plan d’occlusion peut être conservé.
Par contre si nous pouvons aussi sortir le patient de son schéma pathogène il est indispensable de modifier l’orientation du plan d’occlusion, pour l’approcher du plan de Camper, en individualisant droite et gauche selon les pentes condyliennes.
Lorsque le plan d’occlusion est élevé dans la région postérieure, pour le redresser, il faut augmenter la hauteur postérieure maxillaire avec … une orthèse maxillaire.
Splintman a dit:
Jan 17, 2013
Merci Castor de votre réponse. Je reste un peu sur ma faim et je crois que notre vocabulaire doit encore être précisé.
Quand vous parlez d’une position condylienne trop haute et trop reculée faites vous référence à une situation radiologique ou à une situation clinique?
Vous évoquez aussi une « compression postérieure ». De quoi s’agit-il? Voulez vous faire référence à la situation condylienne résultant d’une luxation discale irréductible? Et alors pourquoi parler de compression postérieure? Faites vous référence à une situation anatomique qui serait consécutive à un désordre de croissance, un trouble de la déglutition ou de traitement orthodontique?
Pour ma part, mais je ne demande qu’à être informé, je ne connais pas de cas où je serais amené à placer une orthèse pour répondre une « compression postérieure ». C’est peut être ces différences de langages qui font que j’ai du mal à saisir votre position. Veuillez m’en excuser.
Pour ce qui est de l’orientation du plan d’occlusion et la position de la mandibule je crois qu’ils sont inséparables au motif que la morphologie et la fonction sont totalement liés. La mastication est ce qu’elle est compte tenu de l’implantation et du fonctionnement musculaire (y compris de la déglutition) sur les bases osseuses telles qu’elles sont. Le maillon le plus adpatable est toujours l’organe dentaire; donc le plan d’occlusion. Il est la conséquence et non la cause. C’est ce que je crois; ce qui n’est donc pas scientifique.
Pourriez vous nous proposer un cas clinique pour illustrer comment vous faites pour modifier le plan d’occlusion en le rapprochant du plan de Camper en individualisant droite et gauche selon les pentes condyliennes? C’est pour moi une approche inconnue et serais heureux d’apprendre. Merci