J’ai proposé en septembre un post sur l’anxiété et l’angoisse qui n’a provoqué aucun commentaire. J’en suis d’autant plus surpris que j’ai vu passer depuis, sur ce blog, quelques commentaires, pour un cas clinique de DAM, qui rappelaient l’importance de prendre en compte les facteurs psycho-émotionnels. Je me permets de citer ci dessous une intervention du Professeur Claude Valentin lors du congrès du CNO en 1987 à Marseille. A méditer.
« Nous ne sommes pas psychiatres ni psychologues, et nous n’avons pas de formation dans ce domaine pour traiter les patients! La seule action psychothérapeutique que nous puissions avoir est une action d’explication et de prise en charge thérapeutique. Il ne faut absolument pas se substituer, parce que nous n’avons pas la formation, à un spécialiste des maladies mentales, de l’inquiétude ou de l’anxiété. Nous ne pouvons pas prescrire indifféremment des médicaments tranquillisants ou de relaxation, parce que nous ne savons pas faire le diagnostic et je crois que lorsque le problème se pose il faut référer ces patients. La douleur est toujours inquiétante. On exprime la douleur, l’anxiété, l’angoisse et il y a toujours une composante psychologique à la douleur, et à fortiori la douleur qui s’exprime au niveau de la face. Il ne faut pas tout psychiatriser. Par exemple, on m’a demandé de faire un exposé sur le bruxisme à la société de psychosomatique. Un psychiatre présent…me dit: « Mais je ne comprends pas Monsieur, que vous ne nous adressiez pas plus souvent vos patients bruxistes qui relèvent tous d’un trouble du comportement ».
« Monsieur, j’ai des patients, je ne voudrais pas qu’ils deviennent malades ».
Je collabore avec des analystes, des spécialistes de troubles psychologiques parce qu’un certain nombre de patients sont en difficulté et la douleur faciale est un signe général de leur détresse. Mais en même temps ce n’est pas parce que Monsieur grince des dents ou use ses dents, qu’il faut l’adresser systématiquement chez le spécialiste…
Si nous ne sommes pas psychiatres ou psychologues, dans la dysfonctionnement, il y a une composante psychologique pour le patient, qui l’inquiéte, l’angoisse éventuellement, et je crois que notre rôle est de rassurer. Il y a très souvent dans ces douleurs faciales la cancérophobie, la peur des maladies graves, la peur d’être défiguré. Je crois qu’on doit rassurer et en même temps on doit avertir que lorsque l’on serre les dents, ou lorsque l’on abuse de l’appareil manducateur, ce n’est pas seulement pendant la mastication, c’est aussi lors des expressions de la face: on serre les dents dans l’adversité, on exprime des difficultés. Si le problème psychologique, c’est à dire la réponse exagérée de la face et de l’appareil manducateur face à des situations stressantes, est prépondérant, ce n’est pas mon domaine: je suis chirurgien dentiste et non pas psychologue…
Si on existe, (nous chirurgiens dentistes) c’est vraiment parce que la bouche, la face sont le lieu de l’expression, le lieu du sourire, de la communication avec autrui, verbale ou non verbale, et on exprime aussi bien l’angoisse que le plaisir avec la face, avec la bouche, avec les dents. Ces problèmes se compliquent ou s’accompagnent toujours d’une répercussion, d’un écho psychologique. Cet écho psychologique peut devenir le problème majeur et je ne suis pas compétent pour traiter ce problème majeur. »
10 commentaires
Dr Splint a dit:
Oct 8, 2012
quelle est la definition de « psycho-émotionnelle »?
jipbraham a dit:
Oct 8, 2012
C’était la belle époque de l’occlusodontie et j’étais président de ce congrès…
aujourd’hui il semble que l’on ne soit pas capable de faire la part des choses. C’est pourtant on ne peut plus simple. Les facteurs en cause sont multiples il nous suffit de savoir à quelle occasion ils se sont manifestés, Tiens comme par hasard c’est à la suite de la pose d’une couronne ou d’un bridge . Ok le seuil d’adaptabilité était faible et ça a basculé. essayons d’apporter la correction idoine à cette intervention déstabilisatrice.
Le lien de causalité dentaire n’existe pas et la souffrance est modérée; sans être « psy » on peut donner quelques conseils de bon sens sur le résultat du stress mal géré et faire prendre conscience à ce patient du lien entre sa souffrance et son stress.( lisez Rozencweig)
le trouble est profond et installé depuis longtemps, vérifiez si il n’y a pas un vrai problème occlusal par l’historique et si tel n’est pas le cas il faut alors référer le patient à la médecine.
Hans Block a dit:
Oct 8, 2012
Pour répondre à DR Splint je l’invite à relire le document de la HAS mis en référence dans mon post de septembre. Dans l’esprit, les facteurs psycho-émotionnels sont ceux qui affectent les caractères psychiques et les réactions émotionnelles habituels d’un sujet. Ils sont nombreux et variables d’un sujet à l’autre, et pour un même sujet en fonction du temps (facteurs exogènes ou endogènes). Dans notre pratique il n’est pas question d’entrer dans une relation personnelle avec nos patients sur ces sujets. Mais notre entretien clinique nous donne naturellement accès à des informations qui permettent de relativiser des diagnostics que nous serions amenés à poser en termes exclusivement lésionnels. Notre rôle de thérapeute doit se concentrer sur notre domaine d’expertise, l’appareil manducateur, car personne, hors de chirurgiens dentistes ne peut entendre, comprendre et éventuellement traiter des désordres de cet appareil. C’est là qu’on a besoin de nous pour la santé publique.
Hans Block a dit:
Oct 8, 2012
Pour JIPBRAHAM. Je partage votre analyse de la situation. Mais trop de praticiens ou d’enseignants n’osent même plus dire qu’ils ont touché l’occlusion et qu’ils ont soulagé leur patient; de peur qu’on leur demande: « vous pouvez le prouver? » Cette attitude me semble non scientifique et indigne d’une discipline qui se veut médicale. Ambroise Paré avait-il la preuve en enlevant les morceaux de lance enfoncés dans le crâne de son roi qu’il allait le sauver? Non. Aurait-il fallu devant cette injonction qu’il laissa le malade sans soin? Qui pouvait prouver qu’en intervenant il allait tuer le roi? Personne non plus. Je trouve incroyable ce procès en sorcellerie alors que nous ne disposons d’aucune étude véritablement scientifique sur le rôle des contacts dento-dentaires sur l’apparition, l’entretien ou l’aggravation des DAMs. Plaidons pour une formation qui mette en avant le coté plurifactoriel des DAMs, insiste sur l’absolue nécessité d’intervenir à minima, après qu’un diagnostic ait été correctement posé, et après qu’on ait validé par des orthèses l’implication occlusale…et nous aurons rempli le rôle que la société attend de nous. Mais de grâce ne présentons pas « la peur d’intervenir », l’angoisse de « tomber sur un patient psy », ou « la prise en charge de la douleur » comme des moyens appropriés pour répondre à une dent de sagesse extrusée!
philippe mIRAS a dit:
Oct 8, 2012
l’hypnose est le moyen probablement le plus adapté et il y a d’excellentes formation pour ça.
hans block a dit:
Oct 8, 2012
« le moyen le plus adapté »: à quoi?
Dr Splint a dit:
Oct 8, 2012
Donc, j’ai relu le document et je n’ai pas trouvé mention de « psycho-emotionnel ». Je suis allé sur internet; sur le mot clé on trouve plutôt des sites de médecine alternatives.
Il ne me semble pas que les recommandations de la HAS y fassent references.
Pour l’avoir bien relu; il en ressort une mise en garde sur la subjectivité des symptômes. A savoir que la douleur n’est pas uniquement sensorielle, que la souffrance ressenti par le patient dépend de son état émotionnel. Il est recommandé une prise ne charge globale.
Vouloir cantonner son exercice; face à des patients souffrant; à de simple gestes techniques sans vouloir s’ouvrir ou se former à la comprehension de ces phenomènes ne me semble pas etre en accord avec une bonne ethique professionnelle. Ou alors il ne faut pas se prétendre occlusodontiste.
hans block a dit:
Oct 8, 2012
Oui il y a une composante émotionnelle à toute douleur. C’est dans ce sens que le terme « psycho-émotionnel » est utilisé. Dr Splint, il n’y a aucune contradiction, je pense, entre entendre la douleur d’un patient et vouloir cantonner nos interventions aux élements techniques qui font partie de notre compétence. Nous n’avons nulle obligation de prendre en charge les souffrances de nos patients si elles ne sont pas causées par les conditions de l’appareil manducateur. Nous n’en sommes d’ailleurs pas capables. A ma connaissance les souffrances décrites au niveau de l’appareil manducateur sont fréquemment en relation avec des facteurs qui nous échappent. Le reconnaître n’est pas décheoir de notre statut de thérapeute. Si le risque existe, par incompétence, de surtraiter « occlusalement » un patient douloureux chronique, le risque est tout aussi grand pour les chirurgiens dentistes, de se fourvoyer dans une prise en charge souffrance en « oubliant » de donner le meilleur de lui même sur son domaine: les désordres (en particulier douloureux) de l’appareil manducateur. L’éthique professionnelle me semble d’abord là. Et je répète que ces interventions sont très rarement invasives. La prise en charge globale dont vous parlez, et qui me semble indispensable, consiste pour le chirurgien dentiste, à passer la main…après avoir fait son travail si des élements pathologiques sont de son ressort.
Il ne s’agit pas de refuser de se former (d’ailleurs les praticiens et étudiants actuels savent beaucoup plus de choses sur les douleurs que sur l’occlusion) mais de se tenir à sa place: nous ne sommes pas médecins.
Merci de me donner l’occasion de cet échange que je crois important. Sachant que je comprends que certains thérapeutes aient une sensibilité particulière à la souffrance d’autrui.
hans block a dit:
Oct 8, 2012
Autre chose que j’ai oublié de dire par rapport au texte de Claude Valentin et qui résume parfaitement ce que je crois être notre rôle quand des éléments psychologiques sont impliqués dans le dysfonctionnement: rassurer les patients. Ca c’est notre travail; et rien de plus rassurant qu’un praticien qui pose un diagnostic, qui l’explique, qui peut dire pourquoi il fera ou ne fera pas telle ou telle chose, qui montre au patient qu’aucune intervention ne sera engagée à la légère. A chaque fois qu’on se tient sur notre domaine nous sommes rassurants pour ceux qui nous consultent.
Dr Splint a dit:
Oct 8, 2012
il ne s’agit pas de se substituer aux medecins dans la gestion des douleurs oro-faiales. Il s’agit simplement de savoir gerer les troubles musculo-squelettiques de l’appareil manducateur convenablement et en accord avec les acquis de la science. Merci pour cet echange.