Monsieur Matthieu R. 18 ans consulte en mai 2012 sur les conseils de son chirurgien dentiste qui signale par écrit des « douleurs ATM gauche avec latéro-déviation à l’ouverture, sensation d’anesthésie du même coté, craquements et blocage de la mandibule à l’ouverture ». Le patient, de son coté, décrit depuis un an, des accidents de mouvements, « la mandibule se met de travers et se bloque ». Il y a 6 jours l’épisode de blocage a été plus grave (limitation d’ouverture à moins de 20 mm) et il a fallu attendre une heure avant l’apparition d’un « très gros craquement » qui permette à la mâchoire de s’ouvrir normalement. C’est l’inquiétude d’une récidive qui a conduit le patient chez son chirurgien dentiste qui nous l’a adressé. Il n’y a pas de plainte douloureuse : « c’est la gêne surtout ». Le patient est un gros consommateur de chewing gum. Le patient n’a pas eu de traitement ODF ni aucun soin dentaire (dents en parfait état) à l’exception des extractions des dents de sagesse sous anesthésie locale. La position de sommeil est latérale (mais parfois ventrale) et il existe une certaine souplesse articulaire. L’amplitude des mouvements est de 60 mm pour l’ouverture et les latéralités sont de 12 mm. La palpation musculaire ne signale aucune difficulté particulière. A contrario la palpation articulaire met en évidence une luxation discale réductible à gauche. C’est cette LDR qui devient, par intermittence, irréductible. Quand on demande au patient d’ouvrir puis de refermer la bouche, il se met spontanément en bout à bout antérieur. Pour éviter qu’une OIM de classe II ne contraigne les condyles dans une position trop postérieure ? La mandibule est décontractée et nous observons en ORC approchée un contact prématuré à droite : « rien ne touche à gauche ! » Le serrage de l’ORC vers l’OIM s’accompagne d’un dérapage mandibulaire qui contraint les structures articulaires à gauche (perceptible à la palpation).
Pour expliquer la LDI nous privilégions 3 éléments complémentaires :
– Une certaine laxité ligamentaire,
– L’abus du chewing gum et une tendance au serrement diurne,
– Un défaut de calage et de centrage en ORC, compensé, en OIM, par une contrainte sur l’ATM gauche (latéro-rétrusion)
Notre traitement fait d’abord appel à des conseils comportementaux (cesser le chewing gum) et l’enseignement d’une technique d’auto-contrôle des serrements diurnes.
Faut-il proposer une orthèse nocturne en ORC pour caler la mandibule dans une position qui protège l’ATM gauche? Proposeriez vous une autre forme d’orthèse et laquelle? Que feriez vous dans ce cas?
9 commentaires
N Chateau a dit:
Juin 14, 2012
Bonjour,
Dans ce cas, il me semble que les conseils comportementaux sont primordiaux ( Contrôle des serrements, abandon du chewing-gum…). Personnellement, j’associerai des exercices simples de kinésithérapie ( à base d’excercices de latéralité) et controllerai le patient. Si on doit associer une orthèse, devra-t-elle prendre en charge la LDI ( Recaptation du disque) ? A la lecture du compte-rendu de la consultation, il ne semble pas mettre en évidence un bruxisme de sommeil, une orthèse de protection lisse ne semble pas utile. mais ce n’est que mon avis
Marcel Glorion a dit:
Juin 14, 2012
Oui les conseils comportementaux sont prioraitaires. Seront-ils suffisants pour stabiliser une situation très compromise et qui s’aggrave (blocages en LDI de plus en plus fréquents et durables)? Je ne le pense pas. La kinésithérapie me semble à risque car il ne faudrait pas qu’elle induise des luxations iatrogènes. Quels mouvements dans ce cas? Quel rythme? Quand? je suis preneur de vos propositions car je n’ai eu que très rarement des améliorations contrôlables à la suite de kiné.
Non il n’y a pas de bruxisme de sommeil.
Pour le moment, la LDI est intermittente et on ne saurait, je pense, s’orienter vers une stratégie de repositionnement. Alors pourquoi pas une orthèse lisse? En OIM? en ORC? Nocturne? Et quels résultats en attendre? Pour quel pronostic?
Dr Splint a dit:
Juin 15, 2012
Bonjour
le problème que pourrait poser une orthese en RC serait de bloquer la LDR et se retrouver en LDI?
Marcel Glorion a dit:
Juin 15, 2012
Merci DR SPLINT de m’expliquer comment une orthèse en RC pourrait aggraver la LDR. Franchement, ni anatomiquement ni physiologiquement, je ne vois le processus. Puisqu’en RC la mandibule est dans une position fonctionnelle et détendue.
Dr INO a dit:
Juin 15, 2012
Je vous invite à lire un article de synthèse très intéressant sur les gouttières (réf : Klasser et al., Oral appliances in the management of temporomandibular disorders, Oral surg, oral med, oral pathol, oral radiol, endodont., 107 (2), 2009, pp 212 – 223) qui précise notamment :
1) que les gouttières ne permettent pas la recapture d’un disque luxé
2) que les gouttières n’empêchent pas l’évolution d’une LDR vers une LDI
3) mais qu’elles permettent d’améliorer les symptômes de blocage chez les patients qui présentent une hyperactivité musculaire nocturne (serrement, grincement).
Par ailleurs, un autre article (Kalaykova et al., Journal of orofacial pain, 2010) indique que l’apparition de blocages articulaires est un indicateur d’une évolution probable vers une LDI.
En conséquence, à la lumière de ces données, le port d’une gouttière de stabilisation pourrait permettre, chez ce patient, une atténuation de la symptomatologie articulaire, sans pour autant réduire le risque d’évolution probable vers une LDI.
Dr Splint a dit:
Juin 15, 2012
Bonsoir
d’abord merci à DR INO pour ces réferences. Mais, malheureusement, Je n’ai pas reussi à trouver l’article de Klasser ( ou Klassen?).
je suis en accord avec ces publications. Néanmoins, je reste à penser que l’orthèse de stabilisation gagnerait à etre réalisée en OIM. Le fait de la positionner en RC; c’est a dire une position retruse/ OIM augmente les chances d’une LDI; à mon sens; car le disque est supposé etre en avant dans cette position.
Marcel Glorion a dit:
Juin 15, 2012
Merci au DR. INO pour ces références bibliographiques que je vais tenter de mettre en ligne pour qu’elles puissent être discutées et évaluées. Sans préjuger de ces lectures je crois qu’on peut cependant comparer le rôle d’une orthèse orale vis à vis d’une LDR à celui d’une béquille pour un genou fragile. Si la béquille ne garantit pas la guérison elle permet dans un certain nombre de cas d’attendre que des renforcements puissent limiter les risques pour l’avenir. C’est je crois la même chose avec une orthèse orale dont on peut attendre qu’elle permette à certains éléments de l’appareil manducateur de se renforcer, ou d’échapper à des contraintes délétères, ou même de retrouver un équilibre fonctionnel plus global. Je m’interroge si, au dela de l’atténuation des symptômes (ce qui est déjà un progrès), dans le cas proposé, l’orthèse ne permettrait pas de mieux contrôler les risques d’évolution vers une LDI. J’ai hâte de lire dans les articles cités comment peut être prise en compte l’évaluation des risque d’évolution: groupes contrôles? Double aveugle?
Pour la discussion avec DR. SPLINT, je vois deux éléments à prendre en compte:
– dans le cas présenté je constate que c’est l’établissement de l’OIM qui repousse le condyle mandibulaire en arrière du disque (ou pour être plus physiologique, qui fait en sorte que la face articulaire du condyle mandibulaire ne soit plus correctement coaptée à la face inférieure du disque). Je ne pense pas qu’une surélévation par une orthèse dans cette position d’OIM permettra un repositionnement mandibulaire (et non discal) orthopédiquement favorable.
– Selon ma conception de la RC (et je crois que c’est la définition admise par le CNO entre autres) celle ci ne correspond pas à une position plus rétruse. Pour moi en RC les structures articulaires sont convenablement coaptées et la musculature détendue. Dès lors pourquoi ne pas utiliser cette position mandibulaire si l’on veut limiter les contraintes liées à l’OIM?
Dr Splint a dit:
Juin 16, 2012
Pourtant il existe bien un décalage entre OIM et ORC, la RC etant en position retruse?
Par ailleurs j’aime bien l’image de la bequille, j’ajoute egalement celle de l’attelle pour immobiliser l’articulation.
Que pensez vous du cas présenté par ELISA, (cas 029) car celui ci semble correspondre au votre.
marcel glorion a dit:
Juin 16, 2012
Oui il existe, dans ce cas un gros décalage entre OIM et ORC. Mais pourquoi imaginer que la position ORC soit plus rétruse? Il existe bien des situations pour lesquelles la RC met en évidence des contacts dento-dentaires sur les groupes antérieurs. La RC peut être plus rétruse mais il faut surtout la voir en 3D et bilatéralement: le condyle mandibulaire droit ne bouge pas toujours (surtout dans les cas de DAMs) de la même façon que le condyle gauche entre ORC et OIM, et ceci doit être vu dans les trois plans et surtout dans le plan frontal.
J’ai lu attentivement le cas 029 qui effectivement présente des points communs avec celui que je présente. A commencer par la notion de trauma envisagée. Dans le cas 029 l’auteur envisage le rôle causal d’un trauma en ouverture, alors que dans mon cas le trauma est en fermeture: c’est le serrage qui traumatise les stuctures articulaires.
Pour le cas 029 je lis que le praticien examine l’atm par manipulation manuelle. Si je comprends bien c’est lui qui déplace la mandibule. Pour ma part je préfère ne pas déplacer activement la mandibule. Je cherche plutôt à ce qu’elle soit détendue pour palper (au niveau des ATMs) ce qui se passe entre cette position détendue et la position d’OIM (serrage). Les informations sont très importantes et les déplacements intra-articulaires sont objectifs.
Enfin, à la lecture du cas 029 j’ai un peu le sentiment que l’occlusion est oubliée, comme « politiquement incorrecte « . Traiter les éléments musculo-squelettiques de la mandibule sans se pencher sur l’occlusion et les contraintes qu’elle impose au système me semble présomptueux. Mais enfin, nul ne détient la vérité.